Je vous propose aujourd'hui
un survol des principaux outils du web 2.0. Cette liste est loin
d'être exhaustive. Je me suis intéressée aux outils utiles dans
une classe du secondaire (élèves de 14 à 16 ans) en sciences dans
le cadre d'un enseignement par projet. Certains d'entre eux sont
totalement en ligne, caractéristiques de ces outils du web 2.0.
D'autres nécessitent l'installation d'une application locale. Mais
tous sont gratuits, disponibles; j'en ai expérimenté certains,
d'autres demandent encore l'occasion d'être essayés.
Les
enfants qui ont grandi avec la technologie, la génération « C »
ont développé un esprit « hypertexte ». Ce mot est
défini comme une fonction permettant d'établir des liaisons
directes entre divers éléments, que ce soit des éléments de
texte, ou des images entre des documents différents. Les jeunes de
l'âge numérique n'ont pas les structures de pensée linéaires qui
ont caractérisé l'école depuis sa fondation. Leur esprit gambade
et leurs schèmes sont parallèles, non linéaires. Ce ne sont plus
les mêmes jeunes pour qui le système scolaire a été conçu. Ils
ont passé des milliers d'heures à utiliser ordinateur, console de
jeu, télévision, lecteur de musique portatifs et tous les autres
outils de l'âge numérique.
L'école
et plus particulièrement les enseignants, ont graduellement intégré
depuis toujours les nouvelles technologies dans leurs pratiques,
selon la volonté et les compétences de chacun. Pensons aux
enregistrements audio, vidéos, aux émissions télévisées
éducatives, aux divers types de projecteurs. Les pressions sociales
pour que l'école change beaucoup plus vite et beaucoup plus
radicalement ont toujours été présentes, plus ou moins fortes. Les
raisons de cette apparente lenteur, ou difficulté à accepter le
changement résident peut-être dans des contradictions profondes
entre les rôles et les attentes de l'école, fardeau majoritairement
placé sur les épaules des enseignants.
Les
élèves doivent apprendre les connaissances les plus pertinentes
issues du passé, mais chacun doit être prêt à relever les défis
du monde du travail d'aujourd'hui et de demain. Les élèves doivent
être socialisés, mais tout en nourrissant la créativité et
l'individualité de chacun d'eux. Chaque élève doit être obéissant
face à l'autorité, mais il doit aussi développer son jugement et
sa pensée critique. L'école doit favoriser la coopération entre
les enfants tout en les préparant à affronter le monde du travail
hautement compétitif.
Les
pratiques pédagogiques les plus anciennes, comme le fait que tous
les enfants fassent la même chose en même temps ou que l'enseignant
soit toujours placé de façon à faire face à la classe, sont un
état d'équilibre entre les contradictions citées ci-dessus.
L'arrivée d'une nouvelle technologie doit bien sûr prouver son
utilité dans les apprentissages, mais avant d'être complètement
adoptée, elle doit montrer que cet équilibre, souvent fragile, est
maintenu.
Voici
ma liste des principaux outils du web 2.0 en parallèle avec la
taxonomie de Bloom, selon l'ouvrage qu'il a publié en 1956, et qui a
été révisé et adapté depuis par plusieurs chercheurs. Bloom fait
l’hypothèse que les habiletés cognitives peuvent être mesurées
sur un continuum qui va du simple au complexe. Sa taxonomie compte
six niveaux organisant l'information de façon hiérarchique, chaque
niveau inclut le précédent.
Au
niveau le plus simple (niveau 1) de la taxonomie de Bloom, seule la
mémoire est impliquée. Les connaissances sont des unités à
stocker en mémoire. Bien que la mémorisation soit le niveau le plus
bas, elle est cruciale à l'apprentissage. Cette mémorisation n'a
pas à être une activité intellectuelle distincte, et elle sera
renforcée par les activités de niveau plus élevé. Au second
niveau, cette même information une fois comprise est dotée de sens.
L'élève peut donc classer l'information, l'expliquer, la
reformuler, en donner des exemples. Cette compréhension lui
permettra d'atteindre le troisième niveau de la taxonomie :
l'application. Les connaissances sont maintenant utilisables dans
tout un ensemble de situations plus ou moins similaires.
Les
niveaux supérieurs, respectivement analyse, synthèse et évaluation
exigent de plus en plus de l'élève. Ce sont les niveaux 4, 5 et 6
qui représentent des activités cognitives de haut niveau. Au niveau
de l'analyse (niveau 4), l'élève pourra décomposer un sujet ou un
concept en parties plus simples et en expliquer les origines et les
conséquences. Au niveau de la synthèse (niveau 5), l'élève
utilisera des idées connues pour les réarranger et en créer de
nouvelles. Il pourra reformuler en tout ou en partie un sujet en se
basant sur plusieurs sources de renseignements. Enfin le dernier
niveau, celui de l'évaluation (niveau 6), qui rappelons-le comprend
et inclut les cinq niveaux précédents permettra à l'élève de
juger de la valeur d'un sujet dans un but précis.
Le surlignage
Le
surlignage, l'équivalent numérique du marqueur coloré, remplit
exactement les mêmes
fonctions : mettre en surbrillance, avec une couleur choisie par
l’utilisateur, des passages jugés importants qu'il souhaite
retrouver rapidement et facilement. La version numérique fait partie
du toutes les applications de traitement de texte et s'emploie
localement. La version web 2.0 permet, grâce à divers outils
disponibles en ligne, de sauvegarder dans un fichier spécial en
ligne les passages surlignés dans n’importe quelle page web qu'il
aura visitée. Ces passages surlignés peuvent être transmis via
courriel à d'autres internautes. Le fait de surligner s'associe au
premier niveau de la taxonomie de Bloom.
Les marque-pages
Cette
fonction d'ajout de signet est, elle aussi, utilisable localement ou
en ligne dans sa version web 2.0. À la base, l’utilisateur
souhaite garder dans un fichier local ou en ligne les adresses URL de
divers sites qu'il souhaite pouvoir retrouver plus tard. Cette
opération est possible localement dans tous les navigateurs ou en
ligne à l'aide de diverses applications, telles Delicious,
Diggo, Pearltrees, Stumble upon, et
d'autres. Un avantage non négligeable de l'utilisation de ces
applications : les signets seront accessibles à partir de
n'importe quel ordinateur, simplement en accédant à son compte en
ligne. Un second avantage est la possibilité de partager ces signets
avec d'autres utilisateurs préalablement sélectionnés ou encore de
partager avec tous les utilisateurs du web.
Les
cartes
d'apprentissage
(flashcards)
Il
s’agit ici du bon vieux moyen d'étude qui est utilisé depuis des
générations. Une liste de questions et réponses à retenir est
préparée par l'élève et il les repasse dans l'ordre et le
désordre jusqu'à ce que le tout soit bien ancré en mémoire. Il
existe diverses applications web 2.0 qui permettent à un groupe
de concevoir une série de cartes d'apprentissage et de les partager.
Des applications comme Quizlet,
Braineos, Flachcardmachine, qui
présentent en outre l'avantage non négligeable d'être accessible à
partir d'appareils mobiles (téléphones intelligents, Ipod)
permettant l'étude de partout. Les avantages de ces applications
sont les mêmes que précédemment; chaque membre de l'équipe peut
contribuer à la préparation des cartes d'apprentissage, ces certes
sont accessibles de n'importe quel
ordinateur en accédant à son compte en ligne. L'utilisation de
carte d'apprentissage demeure au premier niveau de la taxonomie de
Bloom, mais comme cité précédemment, il s'agit d'une étape
cruciale de l'apprentissage.
Les outils de cartographie mentale (mindmapping)
Cette
technique tient compte du fait que les deux parties du cerveau humain
accomplissent des tâches différentes. La partie gauche du cerveau
est le siège des pensées logiques, arithmétiques, linéaires,
séquentielles, d'analyse; tandis que le côté droit est le siège
de l'imagination, de l'émotion, de la géométrie, de la synthèse.
La cartographie mentale utilise les deux côtés du cerveau,
les fait travailler ensemble,
augmente leur productivité et la rétention en mémoire. De plus,
les cartes mentales respectent le processus de pensée naturel et non
linéaire, grâce à leur structure ouverte.
En ce
qui concerne maintenant la version informatisée des cartes mentales,
il existe plusieurs applications facilement accessibles, gratuites et
simples d'utilisation, telles Freemind,
Cmaps, pour une utilisation locale
et Bubbl.us,
entre autres, pour une utilisation en ligne permettant la sauvegarde
sur un serveur distant. Cela permettra l'accès de partout, du moment
qu'il y a accès à Internet et le partage possible de la carte
mentale.
Si
nous tentons maintenant de classer les outils de cartographie mentale
selon la taxonomie de Bloom : l’application (niveau 3) est
atteinte. L'application requiert des élèves d'expliquer des
concepts, de les comparer, de faire des inférences ou de tirer des
conclusions. Les outils de cartes mentales peuvent également servir
à analyser (niveau 4), qui demandent la déconstruction de concepts
en parties plus simples.
Les wikis
Le
terme wiki est dérivé d'une expression Hawaïenne qui signifie
rapide. Un wiki est un site collaboratif dont le contenu peut être
modifié par les visiteurs. C'est une façon simplifiée de créer
des pages web HTML, combinée avec un système qui garde un registre
des modifications, le wiki peut donc être retourné à une version
précédente à n'importe quel moment. Selon la configuration du
wiki, certains utilisateurs seulement vont avoir le privilège de
modifier le contenu pendant que tous les visiteurs vont pouvoir
visualiser ce contenu. Ou encore, les droits de modification peuvent
être laissés à tous les visiteurs.
Les
wikis peuvent être utilisés comme source d’informations et de
connaissances, ou un outil de collaboration dans l'élaboration de
documents communs. Les équipes de travail qui utilisent un wiki
atteignent un niveau d’activité cognitive plus élevé (selon la
taxonomie de Bloom) et retiennent l'information plus longtemps,
comparé aux élèves qui font un travail équivalent de façon
individuelle. Les wikis facilitent et améliorent les interactions et
le travail de groupe, facilitent le partage et la distribution de
connaissances parmi les participants. Les wikis permettent aux élèves
qui y participent d'écrire, d'effacer du matériel sur une page
commune, travaillant ainsi collaborativement à la recherche d'une
solution.
Un
avantage de cette technologie, outre ceux déjà présentés, est la
possibilité et la facilité d'intégrer des liens dans le document
de travail. Ces liens peuvent diriger vers d'autres pages wiki, vers
des pages web, des vidéos, des images, ces possibilités augmentent
de beaucoup la richesse des contenus et l'interactivité du document
produit.
Un
autre avantage de cette technologie est la possibilité pour
l'enseignant de voir les traces de la collaboration de chacun des
membres du groupe. Cependant, celui-ci doit expliciter à l'avance et
clairement ses attentes et la manière dont la participation de
chacun sera évaluée au terme de la tâche. À titre d'exemple, si
un élève fournit plusieurs idées au départ, mais qu'au final, ses
références ne sont pas retenues dans le travail, comment cet élève
sera évalué? Ou encore est-ce qu'une simple participation suffit
sans tenir compte de la valeur au regard du produit fini? Il semble
opportun d'être consciente de ces questionnements forts légitimes
de la part des élèves.
Les
utilisations possibles de la technologie wiki en classe sont
nombreuses : activités de tempêtes d'idées (brainstorming),
pour les discussions de groupe, pour la création d'une base de
connaissances et aussi pour l'écriture collaborative. L'utilisation
d'un wiki comme support à un projet de recherche, qui évolue avec
le travail, garde des traces des contributions de chacun et permet la
redirection vers d'autres sites, des images, des séquences vidéo.
L'utilisation d'un wiki en lieu et place des photocopies qui sont
traditionnellement distribuées dans les salles de classe.
Les blogues
Le
blogue est un site web ayant la forme d'un journal personnel, au
contenu antéchronologique, qui permet à son auteur ou à ses
auteurs une liberté éditoriale presque totale. Les
utilisations du blogue en classe sont nombreuses. En bloguant, les
élèves doivent lire de l’information, en sélectionner les
parties les plus pertinentes, la restructurer pour déterminer une
façon intéressante et cohérente d'écrire à leur sujet. Toutes
ces activités (de haut niveau selon la taxonomie de Bloom) sont
aptes à développer la pensée critique.
Voilà.
Il existe encore de très nombreuses applications utiles en classe
(Prezi, Evernote...) L'exploration se poursuit. Mais il faut garder à
l'esprit que ce sont des OUTILS au service de notre pédagogie, et
non un cadre auquel la pédagogie doit se plier.
Merci.
Vos commentaires sont bienvenus.